Grand engouement autour de la production de semence au Mali

Groupe photo avec les membres de la cooperative Sabunyuma. Daba Kane (cercle blanc). Credit photo M. Magassa, ICRISAT

La culture de semences améliorées certifiées de mil et de légumineuses est une entreprise commerciale rentable pour les coopératives d’agriculteurs au Mali. Les semences améliorées atteignent un taux deux fois supérieur à celui du marché et le chiffre d’affaires est si élevé que les installations de stockage existantes ne peuvent accueillir qu’un quart de la production. L’augmentation des revenus des agriculteurs grâce à la production de semences ainsi que l’augmentation des rendements des exploitations agricoles grâce à l’utilisation de semences de qualité ont profité à l’ensemble de la communauté, ce qui a permis d’accroître la sécurité alimentaire, de réduire les migrations et d’augmenter l’esprit d’entreprise des femmes.

La production de céréales est essentielle pour la sécurité alimentaire au Mali. Selon une étude récente, les céréales représentent environ 80 % de la surface cultivée. Parmi les légumineuses, l’arachide et le niébé sont des cultures importantes pour la consommation domestique et les marchés. La disponibilité de semences de qualité de variétés améliorées a été une contrainte majeure dans la région. Pour surmonter ce problème, les organisations d’agriculteurs du Mali investissent dans la production de semences de cultures comme le sorgho, le mil, l’arachide et le niébé et équipent leurs membres pour qu’ils deviennent des producteurs de semences certifiés. Des initiatives comme celles qui ont été lancées dans le cadre du projet HOPE II se poursuivent grâce à AVISA.  La poursuite des interventions du projet et des programmes de formation pendant une longue période a permis aux agriculteurs de réaliser des gains importants.

L’entreprise de production de semences conduit à la suffisance alimentaire, freine la migration
L’agriculteur Daba Kane du village de Falakan, dans la région de Kayes, est un modèle pour les producteurs de semences de la région, en particulier pour ceux qui cultivent des variétés améliorées d’arachide. Il est membre de la coopérative Sabunyuma, partenaire du programme national de l’arachide de l’Institut d’Economie Rurale (IER), l’institut de recherche agricole du Mali, et a une histoire impressionnante à raconter.

Le producteur Daba Kane et son fils ainé. Credit photo M. Magassa, ICRISAT

“Je suis passé par des périodes où la récolte des variétés locales était si faible que je ne pouvais plus nourrir ma famille. Pendant la basse saison, les enfants de nos communautés migraient vers des villes comme Bamako, Ségou et Sikasso pour chercher d’autres sources de revenus. Grâce au soutien technique et aux formations dispensées aux membres de nos coopératives, j’ai pu devenir un producteur de semences, gagner plus de revenus et cultiver plus de nourriture pour ma propre consommation”, explique M. Kane.

Depuis 2016, M. Kane s’est lancé dans la production de semences de variétés améliorées. En 2018, il a produit et vendu 500 kg de semences de la variété Fleur 11. Il a gagné 500 000 CFA (~US$ 900), réalisant un bénéfice de 30 000 CFA (~US$ 54). M. Kane est l’une des rares personnes de son village à avoir construit une maison en béton et à posséder une moto.

Semer les graines de la prospérité grâce aux démonstrations et aux mini-paquets de semences améliorées
Dans la région de Ségou, une organisation paysanne – Union Nieta de Bla – se distingue dans la production de semences, notamment de variétés améliorées de sorgho et de mil. L’union est composée de 137 coopératives et compte une trentaine de producteurs de semences. Dans le cadre du projet AVISA, l’Union s’est concentrée sur la vente de mini-paquets de semences améliorées et la réalisation de démonstrations sur les parcelles. “Pour la campagne agricole 2019, 1600 agriculteurs ont bénéficié de mini-paquets de semences améliorées et de 23 parcelles de démonstration (14-sorgho et 9-mil)”, indique M. Gaoussou Coulibaly, président de l’Union. La production de semences a été en moyenne de 21 tonnes par an pour les hybrides de sorgho et de 2,5 tonnes pour les variétés de OPV.

Grâce aux efforts du projet, plus de 2 500 producteurs ont été formés aux bonnes pratiques agricoles de 2003 à 2018.

Dans la région, 1 kg de semences d’hybrides de sorgho est vendu entre 750 et 1 000 CFA (1,4 – 1,8 USD) contre 350 CFA (0,6 USD) pour les semences de variétés à pollinisation libre. “Les agriculteurs de Bla acceptent la différence de prix parce que les hybrides sont plus productifs. C’est pourquoi nous formons les nouveaux membres à devenir des producteurs de semences, en particulier pour les hybrides. Ainsi, ils peuvent produire suffisamment pour leur propre consommation et vendre les semences pour faire face à d’autres dépenses”, explique M. Coulibaly.

Un technicien quitte son emploi pour cultiver des graines de sorgho et de niébé  
Dans la commune rurale de Cinzana, M. Djamory Koné, membre du groupe semencier Minankofa (GSM), qui compte 55 membres, est un autre producteur de semences prospère. Ancien technicien à l’IER, il a quitté son emploi en 1993 pour se lancer dans la production de semences de sorgho et de niébé. Ses variétés préférées sont l’Acar 1 pour le niébé et la CSM 63 pour le sorgho. “Quand j’ai commencé, peu d’agriculteurs étaient producteurs de semences. Aujourd’hui, on en trouve dans tous les villages de la commune de Cinzana. La production de semences est l’avenir, et elle a changé ma vie”, dit M. Koné. La graine de niébé se vend bien à Cinzana. “En 2018, j’ai récolté 1,8 tonne de semences pour Acar 1 sur 2 ha et j’ai vendu 1 kg à 650 CFA (1,2 $ US). Pour le sorgho, j’ai récolté 3,5 tonnes de semences sur 3 ha et je les ai vendues à 300 CFA (0,5 $ US) le kg”, explique M. Koné.

M. Marcel Dao, président de la GSM, explique que les prix varient tout au long de l’année : “Le niébé se vend entre 650 et 1 000 CFA (1,2 à 1,8 USD) et le sorgho entre 300 et 500 CFA (0,5 à 0,9 USD)”, dit-il. Le groupe a une capacité de production annuelle de 25 tonnes pour le niébé et de 12 tonnes pour le sorgho.

Les femmes se lancent dans la production de semences
Au village de Siby, à 50 km de Bamako, l’organisation paysanne Coopérative des Producteurs de Semences Maraicheres du Mali (COPROSEM) compte 87 producteurs de semences, dont 20 femmes. Pour la campagne agricole 2018-2019, 25 producteurs, dont 7 femmes, ont produit des semences d’arachide, de sorgho, de mil et de niébé, explique M. Coulibaly, président du COPROSEM. Parmi les femmes productrices, Mme Massaran Camara, a commencé à produire des graines d’arachide (Fleur 11) sur 0,25 ha en 2019. Elle a vendu les 200 kg de graines récoltées et a contribué pour la première fois aux dépenses du ménage. “J’ai acheté des vêtements pour mon enfant et j’ai donné de l’argent à mon mari”, explique la jeune productrice de graines.

Mme Massaran Camara, productrice semencière. Credit photo M. Magassa, ICRISAT

Dans tout le Mali, les coopératives d’agriculteurs investissent davantage dans la production de semences et on constate une augmentation de la disponibilité des semences certifiées. De grandes quantités de semences peuvent être mises à la disposition des agriculteurs voisins et éloignés, mais le manque d’installations de stockage constitue un défi.

Avec l’augmentation de la production de semences, l’amélioration des installations de stockage est une priorité. “Dans la communauté où travaille le COPROSEM, le nombre de producteurs de semences enregistrés augmente. Nous avons des difficultés à stocker notre production annuelle d’environ 40 tonnes pour toutes les cultures. La maison de stockage disponible a une capacité maximale de seulement 10 tonnes”, déclare M. Coulibaly. C’est un signe évident que la production de semences a dépassé les attentes des membres de la communauté.

Auteur

Moussa Magassa est un Assistant Communication à l’ICRISAT Afrique de l’Ouest et du Centre au Mali.

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